Le cas ne s'est présenté que deux fois dans notre élevage. Tout à fait au début de l'aventure, Tara, notre première ânesse, a trouvé une faille dans les clôtures et est partie vagabonder dans la nature, oubliant derrière elle son ânon. Cette bête produisait du lait en quantité, si bien qu'au moment où les deux animaux furent remis ensemble, les mamelles étaient si engorgées que la mère ne put qu'éloigner son ânon par des ruades pour éviter la douleur de la traite. Notre vétérinaire nous conseilla de séparer les deux animaux, ce qui imposa un sevrage à quatre mois à une petite ânesse qui pût être remise avec sa mère au bout de quelques jours, et dont l'alimentation fut soutenue avec des granulés.
La situation actuelle est beaucoup plus triste. Il y a une quinzaine de jours est tombée sur un sol rendu glissant par la pluie Pelaudine, une jeune femelle suitée d'un ânon de quatre mois. La pauvre bête, de faible constitution après un accident de naissance, n'a jamais pu se relever malgré les soins prodigués par notre vétérinaire. L'euthanasie était la seule solution pour respecter la dignité de l'animal. Pelaudine est partie pour toujours, laissant une petite orpheline complètement perdue sans sa mère.
Nous avons fait le choix de ne pas privilégier la petite Utah et de la laisser dans le groupe des femelles adultes et juvéniles - elles sont sept - pour qu'elle acquière rapidement un statut à part entière dans le troupeau. L'extraordinaire qualité de ces animaux une fois encore est démontrée par l'adoption collective de l'orpheline par le lot entier, qui ne l'a jamais rejetée et qui l'intègre en douceur dans le clan.
Utah bénéficie bien entendu d'un régime alimentaire adapté à sa situation, avec des compléments nutritifs indispensables à sa survie aux portes de l'hiver. La voir suivre les femelles adultes, braire et ruer pour protéger sa pitance est un immense soulagement pour nous.